Un passantun passant : un passant

 

« A la question que faites-vous dans la vie, voilà ce que j’aimerais répondre, voilà ce que je n’ose répondre : je fais du tout petit, je témoigne pour un brin d’herbe »

 

Christian Bobin

 

 

Un passant. On ne peut choisir meilleur pseudonyme pour exprimer la modestie, la retenue et presque l’anonymat de cet acte follement audacieux de « créer » et le caractère éphémère, fugitif et passager des choses. Et il y a une parfaite concordance entre son nom, réponse d’Ulysse au cyclope et son travail, dont la discrétion passerait inaperçue si nous ne nous arrêtions pas. En passant.

 

Ses traits d’encre écrivent le monde, la vie, la beauté simple, fragile et palpitante sans en figer les métamorphoses. Un passant effleure le métal, le griffe presque par inadvertance, suggère le rythme, le souffle. Tout est dans l’effleurement du geste, dans l’affleurement des formes, rendues visibles pour un instant furtif.

 

Si la Gravure est le plus souvent l’art des visions nocturnes, des noirs, des apparitions émergeant de l’obscurité profonde, lui nous donne à voir la splendeur nue et la lumière du papier, où passe le flux d’une vie qui se cherche et de formes prêtes à éclore, mais encore indéterminées, ouvertes à toutes les possibilités et vibrantes dans le soleil. L’imperceptible de la nature y rejoint l’indicible de l’homme. Humblement, le graveur et lithographe semble se refuser à compter plus que le brin d’herbe pour lequel il témoigne.

 

Bernard Talmazan